- SHUBUN (TENSHO)
- SHUBUN (TENSHO)À l’époque Kamakura, le zen avait surtout joué un rôle religieux, mais, à partir du XIVe siècle, il exerça son influence sur la culture et sur l’art du Japon, inspirant des moines-peintres qui, tel Sh bun, furent à l’origine de la peinture moderne de ce pays.Vers les années 1320-1330, des moines chinois vinrent s’établir au Japon. Ces religieux étaient des lettrés imprégnés de la culture Song dans laquelle s’étaient fondus les courants de pensée taoïste, confucianiste et bouddhiste. Ils s’adonnaient à la poésie et à la calligraphie et firent régner dans les monastères une atmosphère plus profane. Ainsi s’élabora la culture des Go san , les cinq grandes fondations zen de Ky 拏to, à laquelle contribua surtout le Sh 拏koku-ji, fondé en 1384 par Ashikaga Yoshimitsu. Les sh 拏gun fréquentaient le Rokuen-in, demeure des abbés, richement ornée. Ceux-ci leur servirent d’intermédiaires dans le commerce avec la Chine des Ming d’où étaient apportés peintures et objets d’art.Les shigajikuL’art académique des Song du Sud apparut alors à Ky 拏to avec les paysages monochromes de Li Tang, Ma Yuan et Xia Gui. Les moines-peintres s’étaient accoutumés à la technique du lavis (suiboku ), en imitant les images pieuses venues de Chine, mais ils eurent quelque difficulté à rendre l’impression de profondeur par l’agencement d’une succession de plans et par l’emploi des valeurs aériennes. En copiant les compositions chinoises sans se soucier du cadre naturel qui les entourait, ils créèrent un type de paysage d’aspect un peu artificiel. Ces paysages étaient peints sur des rouleaux en hauteur (kakemono ), et, au-dessus de ces peintures, des moines transcrivaient des poèmes de leur composition. Apparus au début du XVe siècle, ces premiers shigajiku restèrent anonymes. Parfois, une inscription donne une date et, plus rarement, le nom du peintre.Un symboleBon nombre de ces rouleaux ont été, au cours des siècles, attribués à Tensh 拏 Sh bun, moine du Sh 拏koku-ji. Mais sa biographie reste sommaire. Bien qu’aucun texte japonais n’en ait fait mention, les annales de la dynastie coréenne des Yi indiquent qu’en 1423 Sh bun fit partie d’une ambassade, venue du Japon pour chercher dans la péninsule une version imprimée du Tripitaka (Canon bouddhique). Grâce au Onry 拏ken jitsuroku (registre du Sh 拏koku-ji), on sait que, dans les années 1430-1440, il exerça les fonctions de tsukan (sorte de trésorier), qu’il agrémenta de couleurs une statue, réparant aussi une image de Bodhisattva pour le Daruma-ji de Nara et exécuta une triade d’Amida pour l’Ungo-ji de Ky 拏to.Ses activités de peintre restent plus floues. Des moines éminents, tels Shinden Seihan (mort en 1445) et Zuiganry ko (mort en 1460), composèrent des poèmes pour ses rouleaux, aujourd’hui disparus. À la date de 1438, le Kammon Goki, journal du prince Fushimi Sadafusa, père du futur empereur Go-Hanazono, signale des fusuma ornés de pins par Sh bun. On suppose qu’il fut employé par le sh 拏gun Ashikaga comme goy 拏 esshi (peintre officiel) puisque, son élève Oguri S 拏tan ayant été appelé à occuper ce poste en 1463, il fut convenu qu’il recevrait les mêmes émoluments que son maître.Bien que plusieurs de ses œuvres soient encore mentionnées à la fin du XVe siècle (en particulier un paravent de fleurs et d’oiseaux en 1491), il n’en subsiste plus aucune.On ignore quels furent les critères qui, au XVIIe siècle, permirent à Kan 拏 Tan-y et à son neveu Tsunenobu d’attribuer à Sh bun plusieurs paysages; certaines de ces attributions ont été révisées dans les années 1950.Si l’on examine quelques-uns des shigajiku qui sont traditionnellement attribués à Sh bun – tels le Shoku san (le Mont Shu , site chinois célèbre) de la donation Seikad 拏 à T 拏ky 拏, le Chikusai tokusho (Pavillon de lecture dans un bosquet de bambous ) ou le K 拏ten en-i (Lointains sur le ciel et le fleuve ) du musée Nezu à T 拏ky 拏 –, on y observe des montagnes lointaines entourées de brumes que balance dans un coin un premier plan plus solide: rivages ou rochers que surmontent des arbres déchiquetés se profilant sur le vide et assurant une transition entre le premier plan et les sommets des fonds. Ce sont là des modes de composition empruntés à Ma Yuan, tandis que les traits vigoureux et parallèles d’un Xia Gui modèlent parfois les premiers plans. Mais, contrairement à l’atmosphère vibrante des lyriques Song du Sud, ici règnent le calme et la sérénité. Dans ces œuvres, on décèle des mains différentes sans que puisse être déterminée celle qui caractérisait Sh bun.Un problème analogue se pose pour les séries de paravents, héritages des grandes familles japonaises, qui, sur le thème des quatre saisons, combinent des éléments empruntés à Ma Yuan et à Xia Gui, mais avec d’importantes différences dans le métier.La tradition veut que Sh bun ait été le premier à adapter à de grandes surfaces les thèmes qui, en Chine, étaient limités au cadre étroit d’un «kakemono» ou d’une feuille d’album et qui perdirent dans ces transpositions la vigueur de leurs structures originelles. Mais on observe, en fait, dans certains e-makimono du XIVe siècle, tel le H 拏nen sh 拏nin eden (Biographie illustrée de H 拏nen ), et dans de riches résidences des décors du même genre, qui montrent que d’autres artistes avaient précédé Sh bun dans cette voie.Force est donc de considérer comme un symbole Sh bun, qui, avec Josetsu son prédécesseur au Sh 拏koku-ji, donna ses lettres de noblesse au paysage à l’encre de Chine. De son disciple Oguri S 拏tan rien n’a été conservé, et le fils de ce dernier, S 拏kei, semble répéter des formules déjà archaïsantes dans les fusuma du Y 拏gen-in au Daitoku-ji (Ky 拏to).Les peintres coréens ont-ils exercé quelque influence sur Sh bun au cours de son séjour dans leur pays? C’est là une question que se sont souvent posée les historiens d’art japonais, en discutant les œuvres qui lui ont été attribuées au cours des siècles. Un album de bambous peints à l’encre, retrouvé dans les années 1950, contient une note autobiographique d’un artiste coréen, Yi Su-mum (prononciation japonaise Ri Sh bun), arrivé au Japon en 1424, l’année même du retour de Tensh 拏 Sh bun. Engagé au service du daimy 拏 Asakusa, établi en Echizen (région de Fukui), il aurait joué un rôle important dans le développement au Japon du suiboku ga et y aurait formé plusieurs élèves. De plus, le Paysage de rêve conservé au musée de Tenri, dû au pinceau d’Ankyon, célèbre artiste coréen du XVe siècle, présente des pics déchiquetés caractéristiques des formations montagneuses de la péninsule. On les retrouve, traités d’une manière moins baroque, dans certains kakemono et paravents attribués à Sh bun. Il apparaît ainsi que ce dernier aurait été impressionné, soit par les particularités des paysages coréens, soit par leur interprétation par les peintres autochtones.Sh bun eut de nombreux élèves, mais le plus fameux fut Sessh , qui, tout en se proclamant son disciple, fut le créateur du style nouveau qui devait l’immortaliser.
Encyclopédie Universelle. 2012.